Elles tissent, elles tissent… Elles ont été avalées par de grosses machines. Elles sont là depuis des décennies, depuis des siècles qu’elles tissent, depuis des millénaires. Chaque matin, elles arrivent le ventre vide. Chaque soir, leur ventre est encore plus vide que le matin.
Septembre 2015
Dans un village perdu entre les montagnes, une mère a du mal à marier son unique fille qui n’arrête pas de rire. Pour obtenir l’assentiment de la mère d’un prétendant, elle l’emmène au cimetière et feint de consulter les membres de sa famille à ce sujet. Ce jeu donne lieu à des chants et à des mouvements de danse réprouvés par les autorités. Arrêtées, les deux femmes sont traduites devant le tribunal. Mais, signe du destin, une piqure d’araignée intervient au moment de la sentence et change le cours de l’histoire…
L’aventure Les Draps a commencé en 2013 dans le cadre du festival Hiwarat, Dramaturgie Arabe Contemporaine, événement labellisé Marseille Provence 2013, Capitale européenne de la Culture. Après son succès à Marseille, cette pièce de l’autrice algérienne Amira-Géhanne Khalfallah a été reprise à Paris à l’Atelier de Paris de Carolyn Carlson, à l’Institut Français de Marrakech, à la salle Bahnini à Rabat, au théâtre 121, à l’Institut Français de Casablanca.
Les Draps a été finaliste du prix théâtre d’Afrique et d’Outremer 2013.
Leila : Elles ont notre âge, elles tissent, elles tissent du matin au soir.
Elles sont dans des usines.
Elles tissent, elles tissent… Elles ont été avalées par de grosses machines.
Elles sont là depuis des décennies, depuis des siècles qu’elles tissent, depuis des millénaires. Chaque matin, elles arrivent le ventre vide.
Chaque soir, leur ventre est encore plus vide que le matin.
Habiba : Mais pourquoi sont-elles là ?
Leila : Elles sont là pour nous. Elles n’existent pas sans nous.
Habiba : Je ne te comprends plus.
Leila : Elles tissent, elles tissent et moi, je récupère la douleur de leurs mains.
Les tisseuses tissent et moi, je retire leurs aiguilles de mes doigts.
Les tisseuses tissent et moi, j’écoute leurs histoires, leurs chants endoloris.
Les tisseuses tissent et moi, j’emprunte leur bouche, leur voix.
Les tisseuses tissent et moi, je coupe les fils de l’histoire, les histoires qui leur filent entre les doigts.
Les tisseuses tissent et perdent la mémoire.
Les fileuses filent et au bout de leurs blessures, il y a toi et moi.
Les fileuses filent et moi, à chaque saison, je confonds l’automne et le printemps.
Les fileuses filent et moi, de toutes les blessures des hommes, ce sont celles que je vois.
Habiba reprend le drap et se couvre avec, à nouveau. Leila s’en approche et se met à couper le tissu frénétiquement. Habiba met tous ses doigts dans les trous du tissu. Le visage de Habiba est de plus en plus visible.
Habiba : Arrête, arrête, je ne vois plus rien.
Leila : Les draps ont plus de mémoire que toi et moi, ne t’inquiète pas. Toutes les histoires sont là.
Elle continue de couper.
Amira-Géhanne Khalfallah est née en Algérie et vit au Maroc depuis 2007. Diplômée en biologie, elle devient journaliste en 2001. Elle écrit pour le théâtre et la marionnette. Ses pièces sont jouées en Europe et en Afrique. Elle est également cinéaste.
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Extraits de la pièce, mise en scène Nadia Vonderheyden.
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