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Enfouir sous la terre, puis voir ressurgir des syllabes anciennes
comme des pousses de textes
Enfouir sous la terre, puis voir ressurgir des syllabes nouvelles
Enfouir sous la terre

La première chose que je peux vous dire…

Laure Neria & Guillaume Pascale

Revue #118

Mars 2023

La première chose que je peux vous dire…

La première chose que je peux vous dire c’est que c’est le silence d’un lendemain qui commence.

Le parloir des plantes (extraits)

Fragment 02 – texte tempéré

Dans son casque audio, le monde que d’aucuns diraient silencieux criait à ses oreilles. L marchait, harnachée d’un costume de cosmonaute
                                      apiculteur
                                              octopode
                                                    extraterrestre
fait de câbles, de micro, de bonnette à poils anti-vent et d’un casque exagérément grand pour son visage. Malgré son accoutrement, les mouches à chevreuil zigzaguaient près de sa nuque, vampiriques, prêtes à arracher sans douleur un bout de peau laissé sanguinolent. Mais leur bourdonnement à quelques millimètres du micro valait bien une morsure. Tout comme les épines de pins qui se froissaient en mode ASMR au passage des sacs à dos, et le craquement exagéré des branches mortes, sous le poids des chaussures. Une seule gêne persistait dans cette bulle bruitiste.
Pas grand-chose, en fait. Un léger vrombissement, comme une ligne de basse
                                    un ronflement de Chewbacca
                                            un grognement de zombie
                                                    une arrivée de train
continue. Une sorte de grondement mécanique qui malgré la couverture de la canopée se frayait une place de choix sur le sentier.
La route. Une simple deux voies et ses autos, ses pick-up, ses camions, son goudron chaud au soleil, ses graviers et ses morceaux de verre sur les bas-côtés, ses motos puissantes qui finissent parfois à l’horizontale, les roues tournant dans le vide et le conducteur dans les fourrés. Des cailloux contre une moto. Triste destin. Mais cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un accident. En tout cas, pas de tôle froissée ni de cuir déchiqueté.
                                    muscles
                                            cerveau
                                    visage
Après la traversée du pont suspendu, L s’arrêta pour enregistrer la rivière au flot encore abondant pour cette période de l’année. L sourit. En contrebas résonnait le rire des enfants qui dévalaient la rivière en bouée. À vrai dire, hormis ce bruit de circulation, l’instant lui sembla parfait.
De retour dans la forêt, le contraste avec la clairière était saisissant. Un théâtre d’ombres et de troncs densément peuplés déroulait un parterre de mousse vert vif (était-il fluorescent dans la nuit ?) qui semblait n’avoir jamais été foulé.

NeriaPascale ParloirDesPlantes extrait Image

 

Au sommaire

  • Texte inédit "Le parloir des plantes" (extraits)
  • Bio-bibliographie de Laure Neria et Guillaume Pascale
  • Le questionnaire ludique ! [extraits des réponses]
    • Un toc de langage ?
      Ce n’est pas tant un toc qu’un mauvais tour que me joue mon cerveau ! (Laure)
    • Une bonne résolution pour cette résidence ?
      Travailler des écarts dynamiques entre les choses afin de générer la possibilité d’un dialogue entre elles. (Guillaume)

Édito

Laure Neria et Guillaume Pascale, s’ils ont tous deux des attaches familiales dans le Sud de la France, se sont rencontrés au Canada. Le parloir des plantes – lauréat 2023 de l’appel à projets pour une résidence d’écriture numérique porté par La Marelle et Alphabetville – est véritablement leur premier projet commun, imaginé et construit ensemble.

Qui n’a pas donné un nom à son ficus ou essayé de parler à un chêne ? Si les plantes deviennent parfois nos confidentes, pourquoi ne pas imaginer les entendre parler à notre tour.

C’est le pari fou qu’ils se lancent, une expérience d’écriture multiple qui initie un dialogue entre une autrice, un artiste numérique et des plantes. "Peut-on se faire le témoin d’autres mondes, et par là même, entrevoir ce qui nous lie à eux, sans les fondre dans nos projections ? Dans cette tension entre un geste littéraire, un protocole informatique et une présence racinaire et touffue, comment composer avec, plutôt que sur ? Comment basculer de la domination à la connivence ? Comment faire se rencontrer deux lenteurs : celle du travail de l’écrivain et celle de la pousse, à la fois rapide et invisible, poétique et souterraine, immobile et sensorielle ?"

Flirtant avec la dimension documentaire de la botanique, Le parloir des plantes est une recherche littéraire associée à une dérive programmée. L’expérience conjugue poésie, fiction spéculative et gestes performatifs. Trois écritures, trois voix s’entrelacent : humaine, végétale et numérique. Sauront-elles faire émerger de nouveaux sentiers narratifs ou du moins en faire germer les contours ? La démarche de Laure Neria & Guillaume Pascale nous est apparue d’une importance salutaire dans les mutations et les moments troublés, à bien des égards, que nous traversons : elle propose un décentrement du regard, une poétisation de notre relation à la nature, une réconciliation.

Fanny Pomarède
directrice de La Marelle, mars 2023

La revue radiophonique


La "revue radiophonique", enregistrée en studio à Marseille, puis diffusée sur les ondes de Radio Grenouille et en podcast sur la plateforme Transistor.

Informations

Renseignements techniques

Cette revue est disponible dans sa version papier ou en ligne, au format .pdf téléchargeable.

La revue de La Marelle