Skip to main content

Mon premier véritable coup de froid, je l’eus à Bruxelles. À l’atterrissage. 6h du matin. En correspondance pour Marseille, je devais prendre un autre vol à 9h. Entre-temps fallait quitter le premier avion. Et y abandonner les douillets cocons de tantôt.

La première chose que je peux vous dire…

Julio Badianzile Mulamba

Revue #87

Novembre 2021

La première chose que je peux vous dire…

La première chose que je peux vous dire c’est que je suis frileux…

"Rien n’est jamais acquis", extrait

Il y a toujours une première chose à dire autour d’une première expérience. Peu importe qu’elle tourne bien ou mal. Même si dans mon cas la résidence à La Marelle se passe plutôt bien. Au point que je suis tenté d’en faire un livre. Un roman, une nouvelle ou je ne sais quoi. Ici et tout de suite – ou hic et nunc pour les autres. Parce que rien n’est jamais acquis dans la vie. Que procrastiner finit toujours par coûter la peau de... non, pas ça ! Et qu’il est toujours préférable de ne pas renvoyer au lendemain ce qu’on peut faire maintenant ! Car semble-t-il ça porte la poisse. Ça assèche les eaux. Ça tue les rêves ! Bref !

Le mardi 9 novembre, je prenais les airs pour la première fois. À l’issue d’une procédure plus qu’éreintante à la Maison Schengen. Disons l’actuel Centre Européen des Visas. Je ne sais pas pourquoi Maison Schengen me revient tout le temps. Alors qu’elle a été rebaptisée depuis une année. Peut-être parce que je suis naturellement rétif aux rebaptisations des lieux, des rues, des bâtiments, etc. Comme tout Kinois qui se respecte. Oui je sais : le mot rebaptisation n’existe pas. Son usage ici relève du pur barbarisme. Mais j’aurais tellement voulu qu’il existât. Ainsi je lui donne sa chance. Il y a toujours une première fois à tout. Qui sait si l’Académie Goncourt, ou Française ou je ne sais quoi ne passerait par-là ? Et se dirait : "Tiens ! Qu’est-ce qu’il est joli ce mot ? Et si on l’adoptait ? Ne serait-il pas chouette ?" C’est juste une supputation, je l’avoue. Mais comme je l’ai déjà dit et redit – une première fois de plus : rien n’est jamais acquis dans la vie. Voilà !

Et tout est allé très vite. Entre le sms de l’ex Maison Schengen et le vol du lendemain à 22h30. Aéroport international de N’djili. Conséquence : je n’ai pas pu convenablement me préparer. Je devais courir à l’agence pour confirmer le départ. Me taper une petite valise. Parce qu’on ne voyage jamais les mains vides. Surtout la première fois. Me rendre compte que la valise est trop étroite. Me retrouver face à un dilemme entre quoi prendre et quoi laisser. Me faire passer un temps précieux dans des tergiversations. Pour au finish me retrouver à l’aéroport avec une veste – simple veste, un pantalon jeans et des baskets noires. Autrement dit presque nu pour un périple européen.

Ce que je réaliserai aussitôt sur le tarmac. Lorsque les premières bourrasques me laperont visage et mains. Bien que pour un court instant. Avant d’avoir chaud surtout au cul. Suite aux agissements d’une pimbêche commise au bas de la passerelle. Elle contrôlait, pour la énième fois les cartes d’embarquement. Et me refusa l’accès. Au motif qu’à la mienne manquait je ne sais quoi. Ce que je n’ai pas pu digérer. Une carte acquise dans une agence battant pignon sur rue, inspectée à toutes les instances de l’aéroport – DGM, RVA, etc. – et validée par elles. Comment pouvait-il manquer je ne sais quoi ? Elle me dit qu’on allait le savoir bientôt. Je la toisai longuement. Attendant qu’elle finisse avec les autres pour lui rappeler son gros front. Heureusement qu’un compatriote me proposa de vérifier. Et y trouva cette sorte de souche collée au reste du document. La bêcheuse, toute honte bue me laissa passer.

Maintenant que tout était ok son front pouvait rester tranquille.

Au sommaire

  • Texte inédit "Rien n’est jamais acquis"
  • Bio-bibliographie
  • Le questionnaire ludique ! [extraits des réponses]
    • Une journée type de l'écrivain·e ? 
      6h, réveil. […] 8h-12h, écriture. 12h-14h, pause-café. […] 14h-18h, écriture. 18h- x time, autre chose.
    • Un coup de cœur artistique récent ?
      Tram 83.
    • Un auteur fétiche ?
      Fiston Mwanza Mujila, l'auteur de "Tram 83".
    • Un a priori sur Marseille ?
      Marseille, une ville violente ? Cette image m'a un peu collé à la tête…
    • Une bonne résolution pour cette résidence ?
      Écrire un roman de 300 pages. 

Édito

Julio Badianzile Mulamba est Tshikaya de la Morandière. Il est César Ramses. Il est, plus lointainement, Seydou Badian. Julio Badianzile Mulamba n’a pas besoin de se faire un nom, il en a plusieurs. Par cette aisance à faire vriller le syntagme et l’inspiration qu’ont les écrivains de part et d’autre du fleuve Congo, Badianzile impulse à la roue de la fortune une tournure personnelle. L’étrange privilège que lui offre La Marelle – accueillir un auteur inconnu dans nos contrées au moment où paraît son tout premier texte, Korona Tyty, simultanément ici et à Kinshasa – pare sa résidence d’un éclat atypique. Elle sera la porte d’entrée vers un métier, vers un type de rapport au public, et vers un continent.

Né en 1987 à Kinshasa, capitale de l’ancien Zaïre, scolarisé à N’djili, il a été journaliste, puis avocat au barreau de Kwilu. Membre actif des Écrivains du Congo Asbl (un vivier abrasif qui rappelle les balbutiements de la Société des gens de lettres à l’époque de Balzac, Hugo, Dumas), il a publié des nouvelles avant de faire partie des lauréats du concours Court-Lettrage organisé par Le Nouvel Attila.

Atterri à Marignane après une lutte épique pour son visa – comme quoi Korona titillera toujours sa muse –, Julio a découvert la France par Marseille, et Marseille par La Marelle. Il a le sourire fervent, la simplicité de mise, la plume sûre, le verbe haut. On ne sait s’il manie le sarcasme ou la congratulation quand il ponctue vos phrases d’un lapidaire "Vraiment !" ou d’un "Je ne suis pas exigeant !" Il n'est pas loquace mais parle beaucoup. Il n’est pas moine mais écrit beaucoup. Il a posé le pied ici, et sait qu’il va écrire, et sait qu’on va le lire, et sent qu’on va l’applaudir. Il ne se laisse pas le choix.

Benoît Virot
Directeur des éditions Le Nouvel Attila

La revue radiophonique


La "revue radiophonique", enregistrée en studio à Marseille, puis diffusée sur les ondes de Radio Grenouille et en podcast sur la plateforme Transistor.

Informations

Renseignements techniques

Cette revue est disponible dans sa version papier ou en ligne, au format .pdf téléchargeable.

La revue de La Marelle