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© Aodren Buart

Insolation

Carnet de résidence

Aodren Buart

19 mai 2022

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Travaux de résidences

Hier, j’ai pris le bus jusqu’au dernier arrêt, celui après lequel les chemins se font à pied.

Le bus 19, puis le tout petit bus 20 jusque là-bas, jusqu’à Callelongue.

Ce n’était ni pour marcher ni pour me baigner, mais pour aller voir Les Goudes, ce petit port où se passe une partie de mon récit. Le port, il aurait pu être au Portugal où j’en ai vu d’ainsi faits : des rues de cabanons, de petites maisons sans étage, parallèles les unes aux autres, reliées par des ruelles ou des petits escaliers. Des plantes, des rideaux de perles en bois à la place des portes, des bruits de radios ou des conversations quand on passe devant une maison à la fenêtre ouverte – volet fermé bien sûr : ça tape. Ç’aurait pu être au Portugal, mais c’est à Marseille, dans le 8arrondissement. C’est l’extrême fin de la ville, oui, mais c’est encore elle, et devant les falaises de calcaire qui crient la lumière, je ne peux m’empêcher d’être ému. Ça, ces îles de pierre, ces barquettes, ces petites fleurs jaunes qui parsèment le sol, alors qu’à l’horizon, nettement dessiné, je vois le profil scintillant de la ville.

Mais ma plus grande émotion ce jour-là, ce fut une surprise. Je marche sur le sentier du cap Croisette, quand je vois une forme brune en contrebas. En regardant sur mon portable, je découvre qu’il s’agit des vestiges du téléscaphe. "C’est quoi ?". La réponse est incroyable, incroyable parce qu’elle percute de plein fouet mon projet de Marseille vivant sous les eaux : "Le téléscaphe, pour “téléphérique” et “scaphandre”, est un dispositif de téléphérique sous-marin permettant de visiter les fonds marins. Inauguré en 1967 entre Les Goudes et la calanque de Callelongue, le téléscaphe ne dura qu’une année."

Je descends par les épines de calcaire. Des lames émoussées séparées par des crevasses. Ce que j’ai vu de loin, c’est une partie du système de coulisse : une roue qui s’effrite en tuiles de rouille. On dirait presque du bois. Une roue qui pourrait être un reste d’une machine de Jules Verne. Un morceau d’imaginaire sur la rive de réel.

Je longe la côte par les lames. J’arrive à la plateforme d’embarquement, encore visible grâce aux quatre roues qui possèdent encore leur caoutchouc sclérosé. Je devine les rampes de lancement, j’imagine le trajet dans la baie. Et voilà qu’une nouvelle page de mon roman vient me claquer au visage, et avec elle, la silhouette enfin globale, claire, de ce que je souhaite écrire.

 

Allez Marseille, continue à me surprendre comme ça, continue à tendre les câbles de tes téléphériques sous-marins pour t’arrimer, plus encore que je ne le pensais, à l’intuition qui m’a menée jusqu’à toi.

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