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J’ai trois portes. Ma première mène directement au centre ; la seconde n’y mène qu’au prix d’un long et périlleux voyage et la troisième ne mène nulle part. Qui suis-je ? Un labyrinthe. Labor intus « travaille dedans ! » Le Labyrinthe

La première chose que je peux vous dire…

Dominique Dattola
En l’absence de
Don Datto di Melito

Revue #09

Juin 2016

La première chose que je peux vous dire…

La première chose que je peux vous dire en guise de bienvenue est un message de zéphyr au printemps dans les pins maritimes ; un murmure des temps anciens sur un lit de mimosa et d’eucalyptus : deux reflets d’écume extraits de mes voyages odysséens.

Extrait de « Le Labyrinthe »

J’ai trois portes. Ma première mène directement au centre ; la seconde n’y mène qu’au prix d’un long et périlleux voyage et la troisième ne mène nulle part. Qui suis-je ? Un labyrinthe. Labor intus « travaille dedans ! »

Je m’assois un instant au soleil sur un rocher au seuil des trois portes du labyrinthe mythologique pour les observer. Elles sont rigoureusement identiques. Rien ne différencie les trois couloirs qui s’enfoncent dans la nuit et dont je ne distingue que les premiers arpents. Aucun indice même minime, aucun signe. Rien. Je suis déjà seul, livré à mes questions. Seul. En fait, je suis déjà entré dans le labyrinthe sans m’en rendre compte, sans même avoir bougé de mon poste d’observation.

Quelle porte prendre sans se tromper ? Faut-il penser sans agir ? Agir sans penser ? Faut-il écouter les conseils de ceux qui en sont ressortis plus ou moins saufs ou de ceux qui ne s’y sont jamais risqués ? Dois-je avoir peur d’y croiser la bête féroce que l’on y a enfermée pour me dévorer ?

Si j’empruntais la première voie, celle qui mène directement au centre, la voie royale, mon innocence saurait me guider sans douter au cœur du labyrinthe, aussi sûrement qu’une flèche se plante au centre de sa cible quand l’archer fait le vide dans son esprit à l’instant où il la décoche les yeux bandés.

Si j’empruntais la deuxième, la voie humide, celle qui mène au centre au prix d’un long et périlleux voyage, mon expérience, mes connaissances, mes réflexions, à chaque embûche, sauraient me dicter des ordres rapides, précis, sans me laisser le temps de les passer au crible de mes peurs. Je lutterais pour ma survie et je serais victorieux.

Mais si j’empruntais la troisième voie que rien ne distingue non plus des deux premières – celle qui mène nulle part – c’est la crainte d’échouer qui me ferait courir à l’aveuglette dans les méandres du dédale, dans les corridors de l’illusion, les faux raccourcis, les chicanes et leurs impasses. Je courrais dans la panique et l’effroi, me cognant au hasard des cloisons qui me contiennent, vers un centre que je ne pourrais voir et qui se déroberait interminablement à ma volonté. J’échouerais. Je resterais prisonnier du labyrinthe, épuisé et jeté consentant dans les griffes la bête qui sommeille en moi.

Dattola revue interieur

Dessins © Anna Mars

Au sommaire

  • « Deux reflets d’écume », textes inédits (« Le labyrinthe » et « Le caducée »), illustrés par Anna Mars.
  • Bio-bibliographie
  • Le questionnaire ludique ! [extraits des réponses]
    • Un coup de cœur artistique ?
      Le clip de David Bowie « Love Is Lost » dans la version single « Hello Steve Reich Mix by James Murphy for the DFA »
    • Un agacement ?
      Dan Brown
    • Un toc de langage ?
      Poète vos papiers !
    • Un auteur fétiche 
      Umberto Eco

Édito

Il arrive parfois que des rencontres de hasard aboutissent rapidement à une envie de partage. C’est ce qui s’est produit avec Dominique Dattola. Invité par « mes » étudiants en Métiers du Livre et du patrimoine de l’IUT d’Aix-en-Provence pour présenter Le Portrait ovale, son premier court métrage imaginé d’après la nouvelle éponyme d’Edgar Alan Poe, nous avons longuement discuté. Et c’est au cours de ce premier échange qu’il m’a d’emblée fait part de son désir de revenir à une écriture détachée des contraintes formatées du champ cinématographique, plus proche de ses passions personnelles : le mythe, la quête des origines, le motif du labyrinthe, le goût de l’occulte et des mystères… C’est ainsi qu’il m’a parlé de cette légende provençale de L’Alycastre qu’il souhaitait narrer, et du temps de travail nécessaire à son équipe pour mener ce projet à bien, en l’absence de Don Datto di Melito qui continue de leur distiller à distance tous les fragments d’histoires indispensables à la compréhension du motif.

L’Alycastre serait un dragon qui a donné son nom au fort de la Licastre, ou de l’Alicastre, situé sur l’île de Porquerolles, dans le Var. Accueillir l’écriture d’un récit apparemment si « traditionnel » à La Marelle – qui prétend avec imprudence s’intéresser avant tout aux « nouvelles écritures » ! – ne fut pas évident d’entrée. Mais quand Dominique Dattola a évoqué la forme possible de ce projet, qu’il souhaitait transmédia, y associant la peinture et la musique, et en imaginant, au-delà d’une édition « papier », une restitution scénique voire un spectacle de rue, mon attention s’est accrue. Et la cause était acquise lorsqu’il a commencé à parler des liens qui le rattachent personnellement à une histoire qui, de métamorphose en métamorphose, suit une cartographie secrète allant de l’île de Rhodes aux îles d’Hyères. Un périple méditerranéen l’entraînant, qui sait, jusqu’au centre fondamental de sa propre identité…

Et c’est ainsi qu’en ce printemps 2016, La Marelle – elle aussi sujette à de multiples avatars – devient provisoirement l’antre du dragon…

Pascal Jourdana
directeur artistique de La Marelle, mai 2016

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Informations

  • Prix
    2,00 €
  • Nombre de pages
    12
  • Parution
    30/05/2016

Renseignements techniques

Cette revue est disponible dans sa version papier ou en ligne, au format .pdf téléchargeable.

À écouter

Dominique Dattola, directeur artistique, présente son travail en résidence à La Marelle pour mettre en forme le projet « Les Contes de l’Alycastre » du mystérieux Don Datto di Melito, sur lequel il n’est pas très bavard pendant l’entretien. Il faut attendre la 50e minute pour qu’il dévoile un extrait du Testament de Koukou que lui avait fait parvenir l’auteur aux fins de publication. Enregistré à la Friche La Belle de Mai, diffusé sur les ondes de Radio Grenouille et en podcast.