En résidence à La Marelle, Maude Veilleux poursuit l’écriture de béton, un projet de recueil de poésie qui aborde les liens de tension, de contamination et d’interdépendance entre les matières vivantes et les structures mortes du monde industriel. L’écriture passe par le corps et un dispositif de microcontacts placé sur la gorge, qui amplifie les sons internes (marmonnements, respiration, vibration). Ce dispositif amène Maude Veilleux à revisiter la matérialité même du langage. Le recueil propose une poétique du "post-épuisement", où la langue se fraye un passage à travers les ruines.
Il y a eu des moments où écrire m’a semblé impossible. Comme si les phrases étaient englouties avant même d’exister. béton est né de là : d’une fatigue profonde, et du besoin de trouver un passage. J’ai commencé à écouter autrement, à prêter attention aux sons minuscules de la gorge, à tout ce qui précède la parole. C’est devenu une manière de me tenir au bord, dans un espace où le langage se fabrique encore, fragile.
Mon passage à La Marelle, je l’imagine comme un lieu où cette écoute peut s’élargir. Je veux travailler à partir de ce qui m’arrive là-bas, dans le temps suspendu qu’offre la résidence. Écrire avec ce que je recueille, gratter la surface, voir ce qui reste. Je voudrais creuser cette lutte avec la matière poétique, gratter le bloc jusqu’à atteindre une versification presque aérienne, et voir ce qui, malgré l’épuisement, persiste. Dans nos ruines, des langages continuent de se fabriquer, ensemble, et c’est cela que je veux écrire.
Peut-être que c’est là que le livre trouvera sa forme, ou du moins sa respiration.
Maude Veilleux