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En résidence de création

La petite fille prodige
Flavia Ganzenua

■ Juillet 2025
■ Marseille

Le projet d’écriture

En résidence à La Marelle, Flavia Ganzenua se consacre à l’écriture de La petite fille prodige. Un travail sur la fatal flaw, cette ‘blessure mortelle’ que chacun de nous doit guérir pour avancer et renaître. 
Le roman, dans lequel l’écriture, la photographie et le son se contaminent mutuellement, raconte son histoire. 
À cinq ans elle a failli mourir d’une malformation cardiaque congénitale et pour cette raison elle est devenue la petite fille prodige de sa mère. 
Mais elle ne peut pas avoir cinq ans éternellement. Le temps est venu de dire adieu à la petite fille prodige qu’elle a été, de prendre congé d’elle.
La petite fille… sa fatal flaw, l’incarnation de ce qui plus que tout autre chose dans sa vie a tout changé : son opération au cœur.

Note d’intention de l’autrice

J’avais une soeur siamoise.
A cinq ans, nous avons été séparées parce que nos cœurs ne battaient jamais en rythme, aucune de nous ne survivrait 
J’ai grandi, au fur et à mesure. J’ai appris à lire, à écrire, je suis tombée amoureuse, j’ai trompé et on m’a trompée, je me suis mariée, elle non.
Elle a encore cinq ans. Elle ne se sépare jamais de son Penny, le tourne-disque orange à la mode dans les années 1970, avec lequel elle écoute sans relâche le conte Cinq dans une cosse de pois, ni de sa Ketty, sa poupée plus grande qu’elle. Elle rouspète toujours parce que sa glace préférée, lo Zio Tom, n’existe plus.
J’ai grandi, elle non.
Elle me le reproche encore maintenant, là, assise sur mes genoux, elle fait tout pour que je me sente coupable.
Elle dit que le jour où on nous a séparé ils ont choisi au hasard et que j’ai une dette envers elle d’être devenue la petite fille prodige de notre mère, la préférée, la plus aimée. Son plus grand sombre chef-d’œuvre est que je ne peux pas vivre sans elle.
Je n’ai pas réussi jusqu’à présent et je n’y arriverai pas non plus à La Marelle.
Elle a raison.
Dans tout ce que j’ai écrit, même quand je présentais une vieille servante qui conduit des vierges en sacrifice au Minotaure ou un commandant et ses troupes allant vers Addis Abeba et se transforment en rougets, à contre-jour, elle était là.
Moi je suis toujours restée derrière la vitre de la salle de réanimation, en sécurité.
Mais à présent que ma mère (notre mère) est morte, à présent que j’ai cinquante-quatre ans, je suis lasse d’être malheureuse. Je ne veux pas finir comme Shirley Temple, Judy Garland, Baby Peggy. C’est pourquoi je dois m’éloigner de ce que je connais, de ce qui m’est familier, de ce qui me rassure (la chambre où j’écris, les photos accrochées partout, la rue de la maison), à commencer par ma langue, et terminer le roman.
Dire toute la vérité sur elle, la petite fille prodige, et sur moi. 
Je commence maintenant: j’avais une soeur siamoise, j’ai une soeur siamoise. 

Flavia Ganzenua
Traduction d’Iris Berger Peillon



Le lieu de résidence

La résidence de Flavia Ganzenua a lieu à la Villa des auteur·rices, dans le logement de résidence à la Friche la Belle de Mai.

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