En résidence à La Marelle, Marianne Rötig poursuit l’écriture de Sous les fenêtres.
Une femme dans une ville au bord de la mer attend un garçon pendant trois jours. Elle s’assoit et écrit cette attente. Elle le guette, le croise, le perd. Est-ce que lui écrire lui plaît davantage que de le retrouver ? Elle ne sait plus. Elle sait seulement qu’elle est là dans cette ville qui tombe dans la mer, et qu’elle attend. La seule façon de dire cet amour qu’elle a pour lui est peut-être de lui écrire un long texte qu’elle lui donnera un jour et qui aura pour titre son prénom, Diego. Mais ce n’est pas sûr. Le personnage principal n’est pas forcément celui qu’on croit : c’est peut-être la mer.
Je crois que l’eau m’obsède. Je ne le savais pas avant d’écrire. Maintenant, je la vois partout, dans l’air, les choses, les os. Peut-être que c’est l’eau de nos corps qui me fascine le plus, cette eau en nous qui dialogue avec l’eau partout ailleurs, dans les arbres mais aussi dans la rue, les bâtiments, les poignées de porte, l’eau dans les autres aussi, dans leurs yeux quand ils clignent, l’eau dans la parole et puis l’eau immense, l’eau en mouvement de la mer qui résonne avec celle qu’on a en soi. Je ne savais pas que c’était sur cela que je voudrais surtout écrire et qui serait le point commun des deux livres que j’ai écrits jusque-là. Le premier parlait d’un voyage en cargo (il passait d’ailleurs juste sous les fenêtres de La Marelle et était une sorte d’enquête sur la Méditerranée), le deuxième des rêves et de leur possible disparition lorsque la mer va mal et qu’on ne l’écoute plus.
J’aimerais continuer à creuser par-là, écrire depuis l’eau, creuser la mer en quelque sorte et ses rapports avec l’amour, l’eau dans l’amour, cette importance qu’elle a peut-être. J’ai retrouvé des carnets écrits dans une ville au bord de la mer où j’ai habité pendant trois mois. C’est une histoire d’ombre, d’une silhouette qui passe sous les fenêtres et qui rappelle tous les amours possibles, tous les passants. Cela pourrait s’appeler Sous les fenêtres. En octobre dernier, j’ai clavé tous les cahiers, il y avait trente pages. Depuis je reprends, je fais de la couture, j’agence une page après l’autre, et je fais ce que je n’avais jamais fait jusque-là pour écrire : repartir de carnets déjà écrits, retailler, découper, coller. C’est un texte sur l’amour, sur l’eau, et sur ce qu’écrire peut voler à la vie ou lui redonner, cette question me taraude depuis longtemps.
Marianne Rötig