En résidence à La Marelle, Pascal Navarro développe Monument pour Gabby, un projet de roman graphique inspiré d’une première réalisation éponyme : une exposition présentée à la galerie Territoires partagés à Marseille, en septembre 2024.

Cette installation mêlait dessins, gravures, vidéos et objets, et prenait la forme d’un monument physique dédié à Gabby Petito, une influenceuse américaine tuée par son mari Brian.

Le projet poursuivi à La Marelle s’inscrit dans la continuité de cette démarche. Il s’agit d’un roman graphique construit à partir d’images de Gabby glanées sur internet. Il s’agit, en quelque sorte, de faire le passage — ou le glissement — de la fenêtre web à la case de bande dessinée.

Un jeune couple quitte New York pour parcourir les grandes étendues de l’Ouest américain dans leur Ford Transit aménagé. Gabby tient un compte instagram suivi par des milliers de followers, et commence à entrevoir une carrière d’influenceuse. A la fin du mois d’août, Brian, avec qui elle doit se marier, rentre seul chez ses parents. La famille de Gabby, accompagnée de l’Amérique entière s’adresse à Brian et à ses parents par ces mots : where is Gabby ?

Le jeune homme se suicide quelques jours plus tard, en laissant ses aveux d’homicide dans un carnet de note.

Ceci est le résumé du fait divers que j’ai découvert en juin 2023 par le biais du podcast de Pacôme Thiellement, Infernet, sur le média BLAST. Cette histoire m’a interpellé pour de multiples raisons, et notamment par le fait que le compte instagram de Gabby est resté en ligne dans une version figée. Je l’ai interprétée comme un monument en ligne. De fil en aiguille, j’ai découvert une quantité vertigineuse d’images de Gabby en ligne, diffusées par ses réseaux sociaux, la police, et même le funérarium où se sont tenues ses obsèques. Toutes les images postées par Gabby sont des images de bonheur. Sur l’une d’entre elles pourtant, on devine des traces d’ecchymoses. Les millions d’yeux suivant Gabby au quotidien n’ont pas su voir ce qui se tramait. De la violence de Brian, du désarroi de Gabby et du couple, nous n’avons pas d’image. Le réel est hors champ.

J’ai pensé qu’il était possible de retracer un récit de sa courte vie uniquement à partir des images qu’elle a laissé sur la toile.

Ce projet a donné lieu à une première réalisation, l’exposition Monument pour Gabby, à la galerie Territoires partagés à Marseille, en septembre 2024. Il s’agit d’une installation composée de dessins, de gravures, de vidéos, et d’objets, conçue comme une sorte de monument physique pour Gabby.

Le projet que je poursuivrai durant la résidence à la Marelle est un projet de roman graphique basé sur les images de Gabby trouvées sur la toile. Il s’agit, d’une certaine manière, de basculer de la fenêtre internet à la case de bande dessinée. Il m’importe de ne jamais figurer le hors champ, définitivement insaisissable.

Le projet de roman graphique est un travail au long cours. Je souhaite qu’à la fin de la résidence à la Marelle, une étape, peut-être un chapitre, soit finalisé.

Pascal Navarro

Depuis le printemps 2021, La Marelle a ouvert cette nouvelle « maison », la Villa Deroze, située au milieu des pins, sur les hauteurs de la cité portuaire de La Ciotat. Confiée avec générosité par Danielle Deroze, elle est destinée à accueillir artistes, auteurs et autrices, pour des projets de création qui souvent se croisent ou s’hybrident.