À quels moments faisons-nous l’expérience du nocturne ? Dans quels paysages ? Et comment la nuit change-t-elle notre rapport aux êtres et aux lieux ? La suspension de la vue laisse place aux autres sens, notamment à l’ouïe et au toucher qui refaçonnent l’obscurité et nous font entrer dans des territoires beaucoup moins connus. Cette défamiliarisation raconte le monde autrement, en renouvelant nos certitudes, nos perceptions et nos imaginaires. Le projet « Recours à la nuit » m'entraîne dans une enquête poétique à travers des matériaux divers que sont souvenirs, entretiens, œuvres et documents, marches et immersions dans différents territoires géographiques.

Un article politique de Pier Paolo Pasolini s’appuie sur la disparition des lucioles. En consacrant un texte à la flamme d’une chandelle, Gaston Bachelard évoque l’état de rêverie qui nous rapproche des premiers feux du monde. Gabriela Mistral dialogue avec la nuit andine du désert chilien. Francisco de Goya grave les monstres libérés par le songe, etc. Dés-éclairer est et n’est pas qu’une métaphore pour se rapprocher de la démesure du monde. C’est certes se déprendre d’une certaine idée du confort, accepter une perte de commodité, trouver dans le moindre quelque chose de puissant. C’est également avoir le courage de la joie, projeter un futur désirable, réadapter son œil pour une nuit de retrouvailles dans laquelle tisser de nouveaux récits.

Virginie Gautier