Autosurveillance #7
(Photo : Julien Gidoin)
L’équipe de la Marelle me rappelle le lieu et l’heure de rendez-vous pour la nuit de la lecture qui aura lieu au FRAC demain, le 18 janvier. Je compte lire le début de « Passé inaperçu », ainsi qu’un texte en cours adapté au plateau « Veules-les-Roses » (aucun rapport avec Marseille, aucun rapport avec la nuit) et peut-être une nouvelle. Je leur explique mon souhait de récupérer des images de vidéosurveillance de mes passages, à commencer par la Friche. J’appelle aussi mon ami chef opérateur Julien Gidoin qui a fait de magnifiques photos en noir et blanc des manifestations des gilets jaunes à Paris, pour savoir si je peux les joindre au texte à paraître dans la revue de La Marelle. Sur les images de Julien, on voit souvent des manifestants filmer des flics ou d’autres manifestants, voire le photographe lui-même. C’est troublant et étrangement fascinant, cette assemblée qui se surveille elle-même.
Ces derniers jours, j’ai eu plusieurs échanges autour d’un documentaire qui m’occupe déjà depuis un an et dont le tournage se confirme prochainement, à partir d’avril. La perspective de ce tournage change mon rapport à mon roman. Il « faut » que j’aie une première version d’ici fin mars. Tout en me disant ça, je vais sur Facebook. J’y lis plein de choses intéressantes, un article d’AOC sur les liens entre le Petit chaperon rouge et Vanessa Springora, un texte au vitriol de Frédéric Lordon dans le Monde diplo sur les violences policières, et la recette de la crème catalane. Une amie cinéaste m’appelle et me fait une consultation en direct de mon scénario en cours, sans même l’avoir lu, simplement en écoutant ce que j’en dis. Je la trouve très forte et réalise que tous mes projets sont des différentes facettes de la même histoire. Cela me rassure et me déculpabilise (si je travaille sur l’un, j’avance aussi tout le reste, une devise que n’auraient pas reniée les Shadocks). Elle lâche à un moment cette phrase qui résonne avec le roman : « Ton personnage rester à errer là où il y a du monde parce qu’elle cherche de l’aide sans en avoir conscience elle-même. Elle attend que les autres voient ce qui lui arrive, sauf que personne ne veut ou ne peut voir ».
Le Goethe institut de Marseille en lien avec FID (festival international du documentaire) me donne accès au film de Nathalie Quintane et Jean-Marc Chapoulie, « Re Re Méditerranée La mer du milieu » fait à partir d’images de webcams, et hommage au film « Méditerranée » de Jean-Daniel Pollet, qui m’a tellement marquée. Je vais pouvoir regarder un film en me disant que c’est pour le travail. L’accès au film est unique et très délicat, on ne peut voir le film qu’une seule fois, sans avancer ni reculer dans la lecture. Je me prépare. Coupure de courant. Heureusement, je n’ai pas lancé la lecture. Dans le noir, une seule solution, écrire tant que l’ordinateur a encore un peu de batterie. Le vent se lève, une drôle d’ambiance s’installe, et je comprends que le raffut que j’ai entendu la nuit dernière n’était peut-être pas dû à une bataille de chats mais au sifflement du mistral dans les fenêtres, qui fait comme une plainte, ou un chant polyphonique corse. Je l’enregistre.