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Sous surveillance médicale #5

Carnet de résidence

Gabrielle Schaff

20 Mars 2020

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Travaux de résidences

Tout au long de la semaine, j’ai cherché à comprendre si l’on était encore dans un état de droit, en raison du foyer de contamination à l’Assemblée nationale et de l’absentéisme des parlementaires, encore plus visible que d’habitude (c’est-à-dire que l’hémicycle est presque vide), et ceci, à la veille du vote de la loi d’urgence sanitaire. Des dispositifs de surveillance sont déployés avec une aisance presque naturelle. Les autorités s’intéressent dans de nombreux pays touchés par l’épidémie à la géolocalisation des personnes, via les données des opérateurs téléphoniques, afin de vérifier le bon respect du confinement. Va-t-on être pistés, à défaut d’être dépistés, par les pouvoirs publics ? J’apprends par la Quadrature du Net qu’en France, c’est déjà possible depuis 2015 avec la Loi sur le renseignement. Donc rien de nouveau sous le soleil. La future surveillance massive et technologique créée par le partenariat public-privé existe déjà.

J’écris à V. au sujet du Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras. J’ai déjà parlé de V. dans ce carnet, pour une raison simple : je ne peux pas évoquer Marguerite Duras dans convoquer V. Il me répond qu’il fête justement sa quarantaine aujourd’hui, en pleine quarantaine. Je lui souhaite un bon anniversaire. Alors il répond merci. Ça change, plutôt que de se souhaiter un bon confinement. Il m’écrit avoir reçu ce livre (Le Ravissement) en cadeau, il y a quelques années, avec en dédicace la citation de Lacan au sujet de ce texte et de son auteure : "Elle ne peut savoir qu’elle écrit ce qu’elle écrit. Sinon elle se perdrait. Et ce serait la catastrophe." V. me raconte aussi qu’il s’est décidé pour réunir tous les livres, photos, affiches, liés à Marguerite Duras dans une seule pièce qui lui est dédiée, chez lui. Parce que sinon, il en avait partout et c’était mieux de l’isoler dans une seule et même pièce. Même morte, une écrivaine a toujours besoin d’une pièce à elle. Heureusement que V. est là pour y remédier. Je tombe en arrêt devant cette phrase : "Elle n’est pas Dieu, elle n’est personne". Je ne sais pas pourquoi elle me plaît, alors je la relis et plus je la relis, moins je la comprends, et plus elle me plaît.

V. me réécrit quelques heures plus tard pour m’informer que la plage à Trouville sur Mer a été fermée, ce qui rend inaccessible la maison de Marguerite Duras, la vraie, pas celle que lui a recréée V. chez lui. Marguerite a été confinée, elle aussi. Il n’y a pas de raison.

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Gabrielle Schaff
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